Un modèle circulaire de conception de nouveaux ingrédients cosmétiques

Publié par ARD CVL Cosmétosciences, le 28 avril 2022   1k

Le chardon marie Silybum marianum, une des plantes sélectionnées pour le sourcing végétal - ® Freepik

[Article paru dans le magazine Microscoop-CNRS N°85 - Mars 2022]

Un travail collaboratif "circulaire" unique en France a été développé en Centre-Val de Loire entre 4 laboratoires académiques et 4 partenaires socio-économiques dont l'objectif était de lancer une démarche de valorisation de la biodiversité végétale régionale pour produire des molécules à forte valeur ajoutée pour la filière cosmétique. Retour sur les 3 années du projet Valbiocosm.

Culture cellulaire végétale dont on peut extraire les molécules d'intérêt® Cosmétosciences

LE SOURCING VEGETAL

La première étape a été d'optimiser les conditions culturales de biomasses végétales, l'une dite "naturelle" établie à partir de plantes, et l'autre dite "biotechnologique", provenant de culture de cellules végétales.

Le laboratoire de Biologie des Ligneux et des Grandes Cultures (LBLGC - USC1328 INRAE/EA 1207 Université d'Orléans) est spécialisé dans l'étude du métabolisme de plantes. Il a travaillé, en collaboration avec l'entreprise Botanicosm'éthic, sur la sélection de différentes espèces végétales facilement accessibles ou cultivables en Région Centre-Val de Loire. Ainsi, des modes de cultures traditionnels en terre et plus innovants hors sols ont été mis en œuvre pour pouvoir récolter différentes parties de plantes des feuilles/fleurs jusqu'aux racines. En parallèle, le laboratoire Biomolécules et Biotechnologies Végétales (BBV - EA 2106 Université de Tours), en lien avec la société Sederma et le LBLGC, a favorisé l'optimisation des méthodes biotechnologiques de culture en développant des cultures de cellules végétales des plantes sélectionnées. Cette phase d'optimisation des cultures a donné lieu à des procédés innovants biotechnologiques et de bio-production in-vitro d'espèces végétales. Ces procédés nécessitent de nombreuses étapes de sélection pour orienter et favoriser la synthèse des composés d'intérêt.

Ainsi en première intention 19 plantes ont été sélectionnées. Compte tenu d'une première étude bibliographique, d'informations règlementaires, de résultats préliminaires et d'intérêt des partenaires, le projet s'est recentré sur une petite dizaine de plantes dont notamment le chardon marie Silybum marianum, la bardane Arctium lappa, l'armoise annuelle Artemisia Annua pour le sourcing naturel, le lin Linum usitatissimum et Linum grandiflorum, et le chardon marie Silybum marianum pour le sourcing biotechnologique.

APPROCHES D'EXTRACTION ÉCORESPONSABLES

Les travaux effectués sur ces biomasses ont permis de développer, à l'institut de Chimie Organique et Analytique (ICOA UMR 7311 CNRS/Université d'Orléans), des approches d'extraction écoresponsables, utilisant des solvants verts ou biosourcés, non toxiques pour l'environnement et pour l'Homme. Le laboratoire a aussi eu recours à des technologies avancées par ultrasons et micro-ondes, moins consommatrices d'énergie et plus performantes en terme de rendement que les techniques d'extraction conventionnelles.

De nombreux extraits ont été caractérisés sur le plan moléculaire via différentes méthodes (chromatographie, spectrométrie de masse, traitement bio-informatique, analyses statistiques), permettant d'identifier les molécules composant les extraits et d'établir des liens de corrélation entre la structure des métabolites et leur activité biologique. La comparaison des différents profils obtenus en fonction de ces conditions qui amènent à produire plus ou moins de molécules actives ont aidé à mieux appréhender l'impact des conditions de culture sur le métabolisme des plantes, et ainsi optimiser les procédés de culture.

S'ASSURER DE L'ACTIVITÉ DES NOUVEAUX EXTRAITS

Des méthodes innovantes d'évaluation de l'activité biologique, notamment micro-ARN spécifique, se sont avérées efficaces, non seulement pour faciliter l'identification de composés bioactifs, mais également pour leur attribuer de nouvelles propriétés biologiques.

Cette objectivation biologique des extraits végétaux a été opérée au Centre de Biophysique Moléculaire (CBM UPR4301 CNRS), par la mise en place d'un panel de 6 tests utilisés en routine (innocuité, régénérant, anti-oxydant, hydratant, prolifération, protection), adossés à une nouvelle plateforme de criblage d'activité biologique placée sous contrôle de l'expression du microARN 21.

Criblage de l'activité biologique des extraits de plantes qui se manifeste par une fluorescence rouge - ® Cosmétosciences

Ainsi, dès les premières étapes de la mise en place des méthodes de production culturales chez des pépiniéristes, en conditions normales de production, des extraits de plante contenant des molécules bioactives d'intérêt cosmétique pour le soin de la peau, et fondamentales pour la biologique cutanée ont pu être identifiés.

Cette stratégie de criblage inédite est unique en France, elle a conduit à l'identification de nouveaux actifs d'intérêt cosmétique qui n'auraient pas pu être identifiés par les tests d'activité biologique conventionnels.

DU LABORATOIRE À LA SERRE

Un point remarquable des travaux réalisés concerne le transfert d'échelle de production des biomasses, optimisées en laboratoire académique, vers les serres du Comité de Développement Horticole (CDHRC), pour générer des données technico-économiques en vue d'une possible exploitation industrielle. Les méthodes de culture sont facilement maîtrisables, modulables grâce notamment à la mise en place et au suivi de paramètres de culture tels que la température, les suppléments salins, l'humidité,... et ne sont que très peu dépendantes des conditions climatiques. De plus, un processus d'exposition à la lumière artificielle peut être mise en œuvre afin de favoriser la production de composés d'intérêt. Cette méthode présente donc une ressource écologique et économique notable.

Le CDHRC valorise d'ores et déjà ce travail en transférant les procédés de culture aux producteurs horticulteurs et pépiniéristes adhérents au réseau ASTREDHOR (Association nationale des structures d'expérimentation et de démonstration en horticulture), afin d'intensifier leurs productions. Le projet Valbiocosm a fait la démonstration de la faisabilité de mettre en place un circuit court en région Centre-Val de Loire allant de la culture végétale (plante entière ou cellule) à l'ingrédient actif avec une garantie de traçabilité et de qualité. Les méthodes développées au cours des 3 années continuent leur évolution via un réseau scientifique, liant des industriels, des producteurs de matières premières et des académiques, et ont contribué au démarrage de nouvelles études.

Équipe ARD CVL COSMÉTOSCIENCES
cosmetosciences@univ-orleans.fr
Émilie DESTANDAU (ICOA UMR 7311 CNRS/Université d'Orléans)
emilie.destandau@univ-orleans.fr
http://cosmetosciences.org

Cosmetosciences, financé par la région Centre-Val de Loire, valorise les partenariats entre académiques et industriels de la filière cosmétique. Le projet Valbiocosm (Valorisation de la Biodiversité en Cosmétique) a réuni 4 équipes de recherche : l'ICOA, le LBLGC, le CBM et BBV, associés à 4 partenaires socio-économiques : Botanicosm'éthic (45), Caudalie (45), Sederma (78) et le Comité de Développement Horticole CDHR Centre (45).
Valbiocosm a bénéficié d'une subvention FEDER. Le Fonds Européen de Développement Régional (FEDER) intervient dans le cadre de la politique de cohésion économique, sociale et territoriale. Il a permis ici l'acquisition d'un spectromètre de masse, d'un système de chromatographie à partage centrifuge, d'un appareil PCR, d'un microscope optique et fluorescent digital, d'un appareil de chromatographie liquide à très haute performance, et d'un lyophilisateur.