Rencontre avec Nadia Pellerin, la nouvelle présidente de Centre•Sciences !

Publié par Centre•Sciences, le 13 septembre 2022   1.4k

Portrait de Nadia Pellerin, nouvelle présidente de Centre•Sciences depuis juin 2022

Après 10 ans à la présidence de Centre•Sciences, Claude Fleurier passe le relais à Nadia Pellerin. Découvrons ensemble son parcours et son engagement au sein de l’association.

- Nadia Pellerin, vous avez accepté d’être présidente de Centre•Sciences, pouvez-vous nous expliquer pourquoi ?

J’ai intégré le conseil d’administration du CCSTI de la Région Centre-Val de Loire, Centre•Sciences, en mai 2013. J'en ai découvert les rouages ainsi que la richesse des activités : de l’extérieur, c’est-à-dire en tant que chercheur ou enseignant chercheur, on perçoit bien-sûr la fête de la science, un événement phare à l’échelle nationale, les cycles de conférences dans les différentes villes de la Région, le développement d’expositions, peut-être aussi les "Sciences on tourne ! " à destination des lycées, activités pour lesquelles on peut être sollicité comme ce fut mon cas (Sciences on tourne ! "Les verres s'emballent pour nos déchets"). Mais c’est un éventail très partiel parmi les actions portées par Centre•Sciences qui vont même bien au-delà des frontières régionales et nationales. Je suis devenue vice-présidente en 2016, et en juin dernier, sous la sollicitation de plusieurs collègues du conseil d’administration je dois dire, j’ai accepté de présenter ma candidature à la présidence. Bien-sûr la culture scientifique est très présente dans ma vie d’enseignante-chercheuse, notamment depuis mon arrivée sur le site de Bourges de la faculté des sciences de l’Université d’Orléans en 2000. C’est une affaire d’intérêt et d’investissement personnel mais aussi d’engagement d’équipe, de collègues et d’amis et à Bourges, l’investissement est de cette nature avec une participation de tous pour faire "rayonner" le site scientifique à travers des actions multiples telle que la Fête de la science que nous animons chaque année, ou encore des événements et partenariats scolaires, des parrainages scientifiques, des conférences et animations.

Cependant, cette candidature fut une décision longuement réfléchie, car mon activité professionnelle d’enseignante-chercheuse, impliquée dans de très nombreux sujets et activités annexes de l’université et de la recherche, m’occupe déjà très largement. Au bout de cette réflexion, j’ai mis en avant le travail d’équipe qui prévaut avant tout, et c’est, armée de l’appui des membres du bureau et notamment de Claude Fleurier qui va continuer à œuvrer parmi nous, d’une structure solide pilotée par Olivier Morand en tant que directeur, et d’animateurs scientifiques aguerris, que j’entame cette présidence avec le plus grand enthousiasme. J’espère présider cette structure avec bienveillance et y apporter quelques singularités en phase avec mes propres aspirations "sciences et société".

Photo B. Flouret

- Quel est votre parcours de formation ? Et pouvez-vous nous expliquer sur quoi vous travaillez au sein du laboratoire de recherche ?

Mon parcours de formation est plutôt simple car tout à fait linéaire. Après un bac C (désolée pour les plus jeunes, ça n’existe plus !) le bac math-sciences physiques de l’époque, j’ai intégré l’université d’Orléans en DEUG A, un diplôme Bac+2 en "sciences de la matière" puis j’ai réalisé une Licence de physique (le Bac+3 à l’époque) et une Maitrise également dans la spécialité physique. Un choix important s’affichait alors avec deux diplômes envisageables, le DESS "Diplôme d’Etudes Supérieures Spécialisées", plutôt destiné à l’insertion professionnelle type ingénierie, et le DEA "Diplôme d’Etudes Approfondies" qui ouvrait vers la voie recherche. C’est ce parcours que j’ai choisi sans hésitation dans une spécialité "Ressources et Matériaux Minéraux, option : caractérisation et valorisation des matériaux". J’ai réalisé une thèse de doctorat dans la thématique des supraconducteurs dits "haute température critique" qui jouissaient à cette époque d’un engouement mondial fantastique, au laboratoire CEMHTI "Conditions Extrêmes et Matériaux : Haute Température et Irradiation" du CNRS à Orléans, où j’effectue mes recherches encore aujourd’hui. Il s’agissait de mettre en forme des fils supraconducteurs YBaCuO avec de bonnes performances électriques. J’ai beaucoup appris sur la synthèse de matériaux céramiques et la thermodynamique qui encadre ces travaux et j’ai développé aussi un intérêt pour la mise en œuvre et la caractérisation des matériaux pendant ces travaux de thèse. Pour finir, c’est à l’issue d’un concours que j’ai été recrutée sur un poste de maitre de Conférences de l’université d’Orléans à 26 ans.

Aujourd’hui mon travail de recherche est centré sur les verres d’oxydes et un axe composition/propriétés-performances/structure. Par déformation professionnelle, l’échelle où nous nous plaisons à "regarder" la matière, à l’aide d’instruments adaptés, est celle des atomes et des arrangements atomiques et notre prétention ultime est de tisser des connexions entre cette structure et les propriétés macroscopiques du matériau. Ainsi je m’intéresse beaucoup à la manière dont le verre s’altère, la nature de sa surface, et à la dépendance de cette altérabilité chimique avec la structure et la composition du verre. Ces études me conduisent dans des directions très variées : du flacon pharmaceutique aux œuvres muséales, voire aux composants optoélectroniques et aux verres nucléaires. C’est tout une batterie de tests et de mesures qui sont mises en œuvre, notamment grâce aux équipements du laboratoire (spectroscopies vibrationnelles, RMN, analyses thermiques, chimiques), qui permettent d’avancer dans la compréhension des phénomènes physico-chimiques et d’apporter des données pour optimiser les matériaux dans le cadre de nouvelles applications.

- La culture scientifique constitue un engagement incontournable pour vous ? Comment l’expliquez-vous ? Qu’est-ce qui vous motive ?

La culture scientifique englobe avant tout le partage de connaissances scientifiques indispensables dans une société hautement technologique, connectée, mouvante. Comme le patrimoine, c’est un ensemble d’œuvres, le recueil du travail expérimental, technique et scientifique des hommes pour comprendre leur environnement, qui appelle à l’humilité, la tolérance et le vivre ensemble, qui permet de partager une langue commune et universelle. En tant qu’universitaires, nous détenons un peu plus que d’autres de ce langage universel, ce terreau de connaissances et c’est donc un discours que nous avons à porter en priorité. Il est appréciable que ce champ soit de mieux en mieux reconnu par les instances universitaires à travers nos missions. Je vis la culture scientifique avant tout au sens d’un échange et d’un partage. Ce qui me motive c’est l’émerveillement dans les yeux des petits comme des grands devant la beauté du monde qui se révèle, ou encore le plaisir sincère qui découle de la compréhension d’une expérience ou d’un mécanisme. C’est un partage nécessaire aussi, avec tous, petits et grands, sans oublier nos ‘décideurs’, pour engager de réelles mutations pour préserver notre planète.

Sciences on tourne ! "Les verres s'emballent pour nos déchets"

- Quels sont vos objectifs, vos attentes, vos souhaits pour l’association Centre•Sciences ?

Dans les grandes lignes, car la mise en place du futur projet scientifique est un travail collaboratif, je souhaite que Centre•Sciences renforce son soutien à la médiation auprès des chercheurs et surtout des jeunes chercheurs pour que la vulgarisation scientifique devienne un automatisme, un livrable comme un autre pour un projet de recherche. Je souhaite que les formes de cette médiation se diversifient afin de mieux toucher toutes les sensibilités, se mettre à la portée du plus grand nombre, quelle que soit la génération, la formation scientifique, la culture, le genre. J’attache beaucoup d’importance à la pluridisciplinarité des sciences, à la transversalité sciences et sciences humaines : culture, art et sciences par exemple, et s’enrichissement mutuellement. Centre•Sciences a certainement un rôle majeur à jouer auprès de structures et associations locales en région pour dynamiser encore la médiation scientifique, même au sein de nos petits villages de campagne, même auprès des publics empêchés, au profit desquels nous devons réfléchir à des stratégies renouvelées. J’imagine de vastes programmes autour de l’environnement, de l’énergie, de l’habitat et des villes de demain, avec des débats et des échanges multiples en présence de scientifiques mais aussi de représentants de toutes les parties prenantes, de citoyens lambda jeunes et vieux. Je souhaite que Centre•Science soit un outil pour gommer peu à peu les frontières qui restreignent encore beaucoup les échanges entre nos laboratoires et universités, et les habitants de nos villes et villages.

- Certains membres du conseil d’administration nous ont quitté après de longues années et des nouveaux font leur apparition. Un petit mot pour eux ?

J’ai beaucoup de respect pour le travail réalisé au sein de Centre•Sciences toutes ces années, de son évolution vers des champs d’activités toujours renouvelés. Tout en remerciant pour leur engagement l’ensemble des présidents qui se sont succédés et les membres qui nous quittent aujourd’hui, je ne peux que me réjouir d’accueillir aussi de nouveaux membres qui, partant de leur expertise spécifique professionnelle, seront des moteurs pour engager Centre•Sciences sur de nouveaux chemins de la médiation.

- Une petite anecdote sur une action de culture scientifique ? Sur votre recherche ? Racontez-nous…

Pour illustrer la transversalité que j’ai évoquée plus haut, je voudrais citer comme exemple de livrable original dans un projet de recherches, la série d’hologrammes que nous avons pu réaliser sur un fonds verrier du Musée d’Orléans, les verres filés de Nevers, à l’aide de la malle holographique de Centre•Sciences. Ces hologrammes seront exposés au printemps prochain au musée dans le cadre d’une exposition dédiée aux fonds verriers du musée. C’est un très bel exemple de collaboration entre sciences fondamentales, sciences humaines, artisanat, art et industrie à travers lequel nous invitons à la rencontre des publics de tous horizons.

- Un mot pour conclure ?

Souvent quand on me demande ce que j’enseigne et que je réponds : la physique, on me répond "c’est la matière que j’ai détestée pendant mes études"... Outre le moment de solitude que ça génère, je suis convaincue qu’au plus profond de soi, il est impossible de ne pas aimer les sciences, car ce sont les rouages de notre monde, de la vie, de l’histoire des hommes. La culture scientifique est surement ce pont entre les deux… à nous d’œuvrer pour que ce pont soit de plus en plus emprunté.