Cosmétique naturelle : Des méthodes de recherche écoresponsables pour valoriser les plantes emblématiques de la région Centre-Val de Loire

Publié par ARD CVL Cosmétosciences, le 4 mai 2023   870

Nathalie Guivarc’h et Arnaud Lanoue de l'Université de Tours.

Les plantes représentent une source encore trop largement inexplorée de composés naturels présentant des intérêts dans divers domaines profitables à l’homme dont en particulier celui de la cosmétique.

Dans un contexte où le tout chimique en cosmétique suscite de plus en plus de méfiance, ces produits d’origine naturelle revêtent un intérêt tout particulier en tant que composés bioactifs innovants pour des applications cosmétiques. En effet, la plupart des antioxydants, des conservateurs, des colorants ou des filtres UV, pour ne citer que les principaux, actuellement présents dans les produits cosmétiques sont encore principalement des produits synthétiques, et il existe toujours une opinion mitigée sur leur innocuité.

A ce titre, il est donc primordial que les industries cosmétiques trouvent et proposent rapidement des solutions alternatives à ces produits synthétiques que ce soit pour une question de santé publique comme de protection de l'environnement.

la cosmétique naturelle en plein essor

lin
le lin, plante présente en région Centre Val de Loire et utilise à la cosmétique naturelle (Photo River Fx sur Unsplash)

Dans la nature, et en particulier dans le monde végétal, de nombreuses molécules présentent des propriétés leur permettant de remplacer la plupart des composés synthétiques. Les plantes reprennent alors leur place au cœur de ce sourcing prééminent d'actifs cosmétiques pour apporter des solutions ciblées notamment aux problèmes cutanés.

La question de la production de cette matière première devient donc une préoccupation majeure pour faire face à l'augmentation croissante de la demande. Une fois la plante identifiée comme matière première d'intérêt, il s’agit alors de mettre en œuvre les moyens d'en disposer en quantité suffisante, selon la demande et avec une qualité reproductible. Il faut donc produire, récolter et conserver selon des pratiques fiables.

Dans ce contexte, il est également essentiel de prendre en compte le développement de procédés respectueux de l'environnement, notamment par une consommation d'énergie et d'eau maîtrisée, mais aussi au regard de la préservation de la biodiversité. En effet, les contraintes d’une agriculture intensive ont progressivement favorisé l'utilisation de variétés à haut rendement entraînant une diminution significative de la variabilité génétique avec la quasi-disparition des variétés anciennes conservées uniquement à l'état relique. Ainsi, ces dernières décennies, afin de faire face à demande en croissance de molécules naturelles, les plantes de la cosmétopée ont été de plus en plus cultivées à une échelle commerciale, mais leur rendement, la qualité de la production et la sécurité ne sont pas toujours satisfaisants.

Le projet de recherche INNOCOSM : nouvelles voies d'obtention de phyto-actifs à visée cosmétique

Analyses des phyto-actifs cosmétiques
Analyses des phyto-actifs cosmétiques

L’objectif du projet INNOCOSM, soutenu par le programme régional ARD CVL Cosmetosciences, est l’identification et la caractérisation d’ingrédients naturels issus de biomasses végétales obtenues selon des procédés écoresponsables à partir de sourcing originaux de matière première végétale. Ce projet est porté par le laboratoire Biomolécules et Biotechnologies Végétales (BBV) de l’Université de Tours, auquel sont associés le Laboratoire de Biologie des Ligneux et des Grandes Cultures (LBLGC) et l’Institut de Chimie Organique et Analytique (ICOA) de l’Université d’Orléans, ainsi que la société Evonik Advanced Botanicals. Les progrès récents des biotechnologies végétales, des procédés d'extractions selon des méthodes écoresponsables ainsi que de la chimie analytique seront mis à profit dans le projet et offrent ainsi des possibilités inégalées d'utiliser les capacités biochimiques des plantes pour produire et concevoir des extraits complexes de molécules naturelles à haute valeur ajoutée.

Deux types de sourcing de biomasse végétale sont ainsi développés dans ce projet.

Le premier est basé sur la valorisation de co-produits issus de grandes cultures présentes en Région Centre Val-de-Loire telles que le lin et la vigne, pour lesquelles les laboratoires BBV et LBLGC ont déjà montré la richesse métabolique des coproduits et ont leurs propres filières d’approvisionnement. L’intérêt, de cette approche est non seulement d’exploiter une biomasse dont la production se chiffre en tonne chaque année et qui, à ce jour, est essentiellement détruite, mais également d’explorer les particularités biochimiques des extraits produits en fonction des variétés de lin ou des cépages de vigne à l’origine de ces co-produits. En effet, le choix d’un génotype particulier peut impacter la composition biochimique des extraits soit par la présence de composés originaux, soit par des modifications des proportions relatives de chacun des composés. Ces deux paramètres peuvent alors influencer considérablement les propriétés biologiques des extraits au regard de leur intérêt pour des applications cosmétiques.

Echantillonnage des co-produits de la vigne
Echantillonnage des co-produits de la vigne

La seconde voie d’obtention de biomasses végétales développée dans le projet INNOCOSM repose sur un procédé biotechnologique de culture in vitro de plantules ou d’organes végétaux (tiges feuillées ou racines) en bioréacteur. La culture de plantes entières in vitro offre de nombreux avantages. Ce mode de culture en condition stérile, hors sol et entièrement sous contrôle abolie l’utilisation de terres arables et s’affranchie totalement des saisons et du site de production.

Plante en culture in vitro
Plante en culture in vitro

Dans le projet INNOCOSM, la culture in vitro s’adresse à des plantes d’intérêt cosmétique, rares ou emblématiques de la Région Centre-Val de Loire, en danger ou peu cultivées dont on peut, par ce biais, produire une importante biomasse sans impact sur la biodiversité. Dans ces conditions, des extraits de plantes composés d’un mélange d'ingrédients bioactifs peuvent désormais être fabriqués à la demande, exempts de contaminants et de polluants, complètement standardisés, et garantiront des produits cosmétiques de grande qualité. Cela représente également un avantage très précieux pour la production de composés bioactifs rares, généralement présents à de très faibles concentrations dans les plantes ce qui nécessiterait alors le traitement de grandes quantités de biomasse végétale pour leur isolement et leur purification.

Le projet INNOCOSM s’inscrit donc dans une démarche écoresponsable de bioproduction sécurisé d’extraits végétaux. Ainsi, le besoin croissant d'obtenir des ingrédients cosmétiques naturels, rend la technique de culture de in vitro végétale particulièrement attractive pour la production d'ingrédients bioactifs pour des formulations cosmétiques vertes à hautes valeurs ajoutées.

Équipe ARD CVL COSMÉTOSCIENCES
cosmetosciences@univ-orleans.fr

Nathalie Guivarc’h et Arnaud Lanoue (Université de Tours, Laboratoire Biomolécules et Biotechnologies Végétales, Faculté de pharmacie, 31 avenue Monge, 37200 Tours)

Cosmetosciences, financé par la région Centre-Val de Loire, valorise les partenariats entre académiques et industriels de la filière cosmétique. Le projet Innocosm a pour objectif de développer des approches originales en matière de sourcing végétal pour la production de métabolites d’intérêt pour la filière cosmétique, par la maîtrise des conditions de production en systèmes biotechnologiques ou à partir de coproduits.

crédit photos : laboratoire BBV et River Fx sur Unsplash