Journée Mondiale de la Santé Mentale

Publié par Inserm iBraiN Université de Tours, le 9 octobre 2019   1.6k

Découvrez les travaux sur la dépression du Dr. Pascal Barone dans le cadre de la Journée Mondiale de la Santé Mentale (10 octobre) !

Dépression : l’hypothèse inflammatoire

La dépression est une maladie caractérisée par un ensemble de symptômes persistants, tels que de la tristesse, une perte d'intérêt ou de plaisir pour des choses généralement agréables, un sentiment de culpabilité ou de dévalorisation de soi, des troubles du sommeil. Cette maladie a un retentissement important sur la qualité de vie et constitue un problème de santé publique majeur. L’objectif des chercheurs de l’équipe 1, groupe « dépression » de l’U1253 Université de Tours /INSERM, est de mieux comprendre les causes de la dépression et de proposer de nouveaux traitements plus efficaces.

Les causes de la dépression sont multifactorielles ; selon une hypothèse classique, la dépression serait causée par un déficit en sérotonine dans le cerveau, la sérotonine étant un neurotransmetteur qui régule l’équilibre émotionnel et l’humeur. Cette hypothèse a été basée principalement sur l’observation selon laquelle les médicaments antidépresseurs agissent en renforçant l’activité des neurones qui produisent la sérotonine dans le cerveau, ce qui est le mode d’action biochimique des principaux antidépresseurs prescrits. Cependant, près de 30% des sujets dépressifs à qui on a prescrit un antidépresseur, ne répondent pas ou peu au traitement, ces sujets étant qualifiés de « résistants » au traitement. Divers mécanismes ont été proposés au laboratoire pour expliquer cette résistance, tels que des anomalies de la régulation de l’hormone du stress, des anomalies de la plasticité neuronale, des anomalies de la neurotransmission du glutamate cérébral et l’hypothèse inflammatoire. Selon cette hypothèse, fondée sur de nombreuses observations cliniques et précliniques, une des causes de cette résistance aux antidépresseurs pourrait être lié à la persistance d’un état inflammatoire dans le cerveau des sujets dépressifs. Cet état inflammatoire est mesurable par des marqueurs sanguins et peut être déclenchée par différents facteurs, comme un stress survenu durant l’enfance, un stress chronique, ou d’autres causes. Au cours de cette inflammation, le système immunitaire réagit en libérant dans le cerveau des molécules (cytokines pro-inflammatoires) qui vont, elles-mêmes, modifier l’activité de la sérotonine, et l’action des traitements antidépresseurs sera impactée.

Par ailleurs, un autre neurotransmetteur semble impliqué dans la dépression : il s’agit du glutamate, dont le blocage partiel par la kétamine permet de soulager des états dépressifs sévères. L’activité du glutamate est, en partie, régulée par des molécules issues du métabolisme du tryptophane, les kynurénines, dont l’acide quinolinique, qui renforce l’activité glutamatergique, et l’acide kynurénique qui a l’effet inverse. Des travaux précliniques nous ont permis de proposer une hypothèse selon laquelle il y aurait un lien entre sérotonine, inflammation, glutamate et résistance aux antidépresseurs; en effet, l’inflammation réduit la synthèse de sérotonine, détournant ainsi le tryptophane, qui est le précurseur de la sérotonine, vers la voie métabolique des kynurénines, voie métabolique qui renforce l’activité du glutamate en activant la production d’acide quinolinique. Nous avons également émis l’hypothèse que ces anomalies métaboliques pourraient altérer l’effet modulateur du cortex frontal sur une structure sous-corticale, l’amygdale, dont il a été montré qu’elle est hyperactive dans la dépression. Enfin, nous avons proposé que des anomalies du métabolisme des kynurénines, en faveur de la production de métabolites neurotoxiques ou en défaveur de la production de métabolites neuroprotecteurs, pourrait jouer un rôle dans un continuum entre des épisodes répétés de dépression et la survenue d’une démence dégénérative.

Pascal Barone (2019), The ‘Yin’ and the ‘Yang’ of the kynurenine pathway: excitotoxicity and neuroprotection imbalance in stress-induced disorders. Behavioural Pharmacology, Vol 30 No 2&3.