- Titaina Gibert, présentez-vous en quelques mots, votre parcours, vos thématiques de recherches…

Après une année de césure post bac consacrée au sport en 1982, ce qui était peu courant pour l’époque, mon parcours fût très classique : j’ai intégré l’université d’Orléans en filière scientifique, j’ai alors choisi de me spécialiser en physique et à la suite de ce qui est maintenant un MASTER 2 j’ai intégré un laboratoire de recherches le GREMI* où j’ai effectué mes travaux de thèse. Le sujet de ces premières études concerne l’utilisation des lasers soit pour sonder la matière (spectroscopie) soit pour la modifier (ablation laser). A cette époque l’utilisation des lasers était une très grande perspective pour une large variété d’applications et aujourd’hui tous les travaux menés dans le monde entier ont conduit à des domaines d’utilisation du laser à la fois très nombreux et particulièrement diversifiés.

A l’issue de ces 3 années, j’ai obtenu mon titre de docteure de l’université d’Orléans puis complété mon parcours par deux années d’études postdoctorales en contrat jeune chercheuse sur le thème complètement novateur des nanotechnologies, domaine si novateur que le terme était tout juste inventé à l’époque. En 1993 j’ai été recrutée à l’université d’Orléans pour exercer le métier d’enseignante chercheuse.

Les thématiques que j’affectionnent plus particulièrement tant en enseignement à Polytech Orléans qu’en recherche au GREMI sont l’optique et l’utilisation des lasers pour sonder la matière notamment les plasmas qui sont au cœur des études menées par mes collègues au laboratoire.

- Que représente pour vous la culture scientifique ? Quel en est votre engagement ?

La culture est essentielle à chacun et chacune de nous dans quelque domaine que ce soit. Nous avons tous un domaine culturel de prédilection et des priorités différentes, un temps variable à lui consacrer. La culture est un réveil, elle interpelle et suscite des interrogations, elle donne des clefs ; c’est un espace de liberté comme une fenêtre sur le monde que ce soit celui de la littérature, de la musique ou de la science par exemple.

Pouvoir participer ou organiser des actions de culture scientifique est pour moi une grande chance et une grande motivation personnelle et professionnelle. La rencontre avec le public est toujours très enrichissante ; souvent j’aime à partager des expériences de démonstration qui permettent de donner une idée ludique et surprenante de l’optique et de la physique.

De plus la culture scientifique me paraît indispensable pour illustrer et convaincre de la nécessité d’adopter une démarche scientifique. Lire et analyser toutes les informations que nous recevons en permanence avec un esprit critique est plus que jamais une nécessité actuellement. Nécessité vitale pour éviter la manipulation individuelle et collective. Tout compte fait réfléchir est plus amusant et valorisant qu’être endoctriné.

Titaina Gibert, à l'initiative du projet SYSSCO, un projet Art et Sciences en milieu rural. La finalité de SYSSCO était la réalisation par les élèves de l’école Charles Péguy de Lamotte-Beuvron d’un système solaire original.

- Vous êtes ambassadrice de la Fête de la Science 2024 en région Centre-Val de Loire, que représente la Fête de la Science pour vous ?

La Fête de la Science est un rendez-vous annuel que je prépare avec des collègues et des étudiants. Dès le printemps nous élaborons sur le thème imposé des expériences de démonstration que je présente toujours au village des sciences de Vierzon en avant-première.

La Fête de la Science est l’occasion de rencontrer le public, surtout d’aller vers des gens qui n’oseront pas pousser la porte d’un laboratoire. C’est l’occasion de parler à un public qui pourrait croire que la science n’est pas pour eux, c’est l’occasion d’aller dans de petites villes et de toucher le public éloigné des campus universitaires et scientifiques. La Fête de la Science est l’occasion d’incarner que la science est faite par des hommes et des femmes de tous âges et de toutes origines sociales et culturelles.

- Quel est votre projet pour la Fête de la Science en 2024 ?

Comme souvent j’aime à marier science naturelle et physique mais venez plutôt au village des sciences de Vierzon le premier samedi d’octobre !

- Que vous inspire la thématique « Océan de savoirs » cette année ?

La thématique est particulièrement bien choisie : en ces temps où la lutte pour endiguer l’emballement du réchauffement climatique est un enjeu majeur, mettre l’Océan à l’honneur au centre de la Fête de la Science est un symbole fort.

De plus l’éventail des domaines scientifiques touchant à l’océan est très large et la thématique va permettre à tous les scientifiques qui le souhaitent de proposer une action.

Stand Fête de la Science à Vierzon "le quatrième état de la matière" en 2018

- Avez-vous une petite anecdote sur une action de culture scientifique ? Sur votre recherche ? Racontez-nous…

Après une conférence/démonstration sur les propriétés méconnues de la lumière à Lamotte-Beuvron dans le Loir-et-Cher, une femme timidement s’approche de moi et me demande :

- « Alors vous êtes une vraie scientifique ? »

- « Oui »

- « Pourtant vous avez l’air normale »

- Un petit mot pour conclure

Dire bien haut que oui, nous scientifiques avons le devoir de parler au public de faire cesser les représentations du scientifique comme un homme en blouse blanche, d’âge respectable et complètement absorbé devant sa paillasse de chimiste ! Oui, les filles ont toute leur place dans toutes les sciences et à tout niveau de qualification.

La science est universelle, elle s’adresse à tous sans distinctions de milieu social, d’origine géographique ou de genre. La science n’est pas la propriété de quelques-uns ou quelques-unes. Si vous êtes en âge de faire des études vous avez le droit de vous lancer.

Pour chacun et chacune, il existe de nombreuses structures de culture scientifique réparties sur tout le territoire au sein desquelles des animateurs et des animatrices scientifiques accueillent le public ; avec beaucoup de professionnalisme et de motivation, ils, elles, savent par exemple vous faire voyager dans l’infini des étoiles, voyager au travers des fossiles dans le lointain de notre terre ou bien vous apprennent à regarder en latin les plantes ce que vous piétiniez sans les voir.

La science n’est pas plus difficile qu’une autre matière, elle apporte de grandes satisfactions à celles ou ceux qui s’y impliquent, la diffusent, ou s’y intéressent.

Stand Fête de la Science à l'Université d'Orléans "Introduction aux plasmas" en 2022

*GREMI : Groupe de Recherches sur l’Energétique des Milieux Ionisés est une Unité Mixte de Recherche du CNRS et de l’Université d’Orléans