Entretien avec Laure Danilo, Présidente de l’AMCSTI, Conservatrice au Muséum d’Orléans pour la Biodiversité et l’Environnement
Publié par Echosciences Centre-Val de Loire, le 7 février 2024 610
Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Mon parcours reflète une grande curiosité, pour tous les domaines, et encore davantage pour les sciences. J’ai une formation universitaire en biologie et géologie, avec une spécialisation en biologie évolutive et paléontologie en master puis en doctorat. J’ai fait mes premières armes en médiation scientifique pendant ma thèse, avec d’une part le pôle Culture Scientifique de l’Université de Montpellier puis d’autre part, une association co-fondée avec d’autres étudiants autour du partage des sciences de l’évolution. Par la suite, j’ai passé le concours de conservateur du Patrimoine Scientifique, Technique et Naturel (PSTN), qui, tant dans sa préparation que dans la formation qui a suivi l’obtention du concours, m’a beaucoup enrichie sur divers aspects et notamment les T et I que l’on retrouve dans la CSTI (Culture Scientifique, Technique et Industrielle). J’ai par la suite été recrutée (2017) par la Ville d’Orléans pour le Muséum d’Orléans pour la Biodiversité et l’Environnement, à un moment clé de son histoire, pour repenser ce grand muséum régional.
Vous êtes actuellement conservatrice du MOBE à Orléans, pouvez-vous nous présenter ce muséum rénové récemment.
Le MOBE a plusieurs visages. Il est tout d’abord ce lieu ouvert à toutes et tous, qui se propose d’accompagner chacun dans sa compréhension du monde vivant et minéral, de nos territoires jusqu’aux horizons plus lointains. Au travers de ses expositions pluri-médias, mais aussi de sa programmation (conférences, ateliers, spectacles, événements, etc.), le MOBE propose différents formats, différentes approches pour que chacun y trouve son compte. Le MOBE est aussi un lieu de connaissance, de conservation de collections scientifiques patrimoniales, qui ont été, sont ou seront objet de recherche scientifique. Ce sont 455000 spécimens que nous conservons et mettons à disposition de la communauté scientifique. Enfin, comme une sorte de trait d’union entre ces deux facettes, le MOBE se pense aussi, en particulier dans ses projets en cours de développement, comme un carrefour de rencontres entre sciences et société, mais aussi entre acteurs et partenaires. Le MOBE évolue au cœur d’un riche écosystème partenarial qui a vocation à pouvoir profiter de ce lieu pour partager la culture scientifique avec toutes et tous.
Comment voyez-vous le rôle de la médiation scientifique au sein du MOBE et plus globalement dans la société ? Et cela constitue-t-il un engagement incontournable pour vous ?
La médiation scientifique est omniprésente au MOBE. Toutes les actions en direction du public (face-public ou non) sont pensées par le prisme de la médiation scientifique. La médiation scientifique permet de faire le pont entre des connaissances et méthodes scientifiques et un public divers, de parcours, d’opinions et aux envies et intérêts divers. C’est bien tout l’art du médiateur scientifique que de prendre en compte ce panel pour dessiner les actions les plus adaptées et ne pas simplement délivrer un savoir livresque. Cela étant, je suis persuadée qu’il y a nécessité de faire coexister différentes manières de s’adresser à un public. Aussi, sur des formats de partage en face-public, les chargés de projets de médiation scientifique ne sont pas les seuls : les chargés de collections, au profil parfois plus proche du chercheur, mais aussi des chercheurs, chacun avec son bagage, sont aussi amenés à apporter des éléments au public lors de temps de rencontres courts ou de conférences. Ces temps sont souvent moins participatifs ou interactifs mais ont d’autres avantages et permettent un contact direct « public-scientifique ». Nous organisons aussi des accompagnements de chercheurs par un médiateur, ou des binômes pour organiser un propos moins descendant.
Le partage des sciences, mais aussi de la recherche et des méthodes scientifiques est un enjeu clé pour nos sociétés. Outre de nouvelles connaissances, la culture scientifique permet d’outiller chacun pour comprendre le monde qui nous entoure, ses transformations, et poser des choix éclairés. C’est un ferment indispensable pour l’avenir de nos démocraties, menacées par les phénomènes d’infodémie, fake news et autres obscurantismes.
Depuis mardi 24 Janvier 2024, vous avez été élue Présidente de l’AMCSTI*.
Pouvez-vous nous expliquer le rôle de l’AMCSTI et son importance pour vous ?
L’AMCSTI est le réseau national des professionnels de la culture scientifique, technique et industrielle. Ce réseau, fort de près de 300 membres, de structures très variées, est une formidable dynamique au service de ses membres. La diversité des acteurs réunis au sein de l’AMCSTI est une grande force pour nous tous et toutes. Nous organisons des temps professionnels de rencontres, partages, échanges, montées en compétences qui sont autant d’occasion d’avancer soi-même, d’élargir ses horizons, mais aussi de tracer de nouvelles voies partenariales. Nous sommes également au service de la culture scientifique, technique et industrielle et oeuvrons à la promouvoir, en particulier à l’échelle nationale. L’AMCSTI, en tant que lieu de rencontres de ces professionnels, voit naitre et avancer en collectif des questionnements et réflexions actuels, nécessaires pour mettre nos pratiques en phase avec les attentes des publics et plus largement sociétales. Par exemples, notre dernier temps fort, la rencontre des directeurs.rices qui a eu lieu il y a 3 semaines, portait sur l’engagement, le militantisme et le positionnement de nos structures par rapport à ces postures.
Pour conclure, l’AMCSTI est essentielle à la fois pour nous nourrir collectivement et faire avancer la prise en compte partout et par tous et toutes de la culture scientifique, technique et industrielle et de ses enjeux.
Pourquoi ce choix et quelle dynamique souhaitez-vous donner avec l’ensemble du Conseil d’administration et ses membres ?
Nous travaillons actuellement à notre feuille de route pour le mandat, qui s’articulera autour de plusieurs axes, en prolongement des actions déjà menées par nos prédécesseurs.
Le positionnement de l’AMCSTI est un enjeu clé pour être en mesure de porter haut les couleurs de la CSTI et contribuer à la prise en compte de ces enjeux dans de nombreuses politiques publiques, de manière transectorielle.
En tant qu’acteur national, l’AMCSTI interagit à différents niveaux : des territoires jusqu’aux échanges à l’échelle supranationale avec d’autres réseaux similaires. Les territoires sont en particulier un sujet qu’il nous importe de pouvoir aborder, pour renforcer et nourrir les dynamiques locales.
Le dialogue entre différentes formes de partage des savoirs, par exemple CSTI et SAPS (Sciences Avec et Pour la Société), est au cœur des préoccupations de l’AMCSTI. La grande diversité des acteurs qui composent et font vivre l’AMCSTI est une véritable chance pour faire dialoguer en son sein différentes approches complémentaires.
Enfin, assurer la poursuite et le développement de nos temps d’animation de réseau, tels que le congrès annuel, la rencontre des directeurs.rices, les webinaires ou encore les groupes de travail, est un enjeu majeur pour notre réseau. Ces temps permettent des échanges et enrichissements autour des pratiques, enjeux et stratégies de la médiation scientifique, technique et industrielle et sont importants pour chacun des membres que nous sommes.
Un mot pour conclure ?
Je suis très heureuse de pouvoir, aux côtés des membres du bureau et des membres du CA de l’AMCSTI, poursuivre les belles impulsions données à notre réseau. Au-delà, aux côtés de tous les membres qui s’impliquent à la mesure de leurs possibilités, au bénéfice du réseau. Notre investissement à tous et toutes, au service du bien commun, est à mon sens fondamental.
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* Association des musées et centres pour le développement de la culture scientifique, technique et industrielle