« CONFINÉ, MOI ? NON, PLUTOT VULGARISER EN LIGNE ! »
Publié par Guy-Antoine Dufourd, le 7 juillet 2020 1.4k
« Ce n’est pas parce que c’est en direct qu’il faut tout improviser » - citation attribuée par erreur à Confucius (VIe s Av. J-C)
Peut-on diffuser la culture scientifique en ligne ? Comment partager votre goût pour les sciences et la technologie et inviter à la curiosité par écran interposé ? Si vous parcourez ces lignes, vous avez sans doute déjà votre « petite idée » de la réponse. Du coup, ce ne sera pas ici le lieu d’en discourir mais plutôt d’expérimenter ensemble et avec convivialité. Le temps viendra pour les sciences humaines et sociales d’étudier ces nouvelles pratiques, de les analyser et les enrichir. De plus, les motivations pour se lancer sont nombreuses et les retours d’expériences très divers ; aussi ce document n’a d’autre prétention que de vous mettre en confiance, de vous mettre un pied à l’étrier et faire ce premier galop d’essai, voire plus si affinité avec votre public.
Un webinar, c’est quoi ?
Un séminaire en ligne - ou Webinar ou webséminaire - est un temps d’échange sur internet, pour diffuser de la connaissance mais surtout partager des questions. Certes le débat est moins évident que lors d’une manifestation publique, mais si vous le faites, c’est bien pour interagir avec votre auditoire. Cela regroupe donc des intervenants -vous et d’autres- lors d’une vidéo en ligne où les participants spectateurs pourront poser des questions en direct.
Remarque : cette offre en direct, et la captation vidéo qui en résulte, peuvent être accessibles après « le live » et donner lieu à des commentaires. N’oubliez pas alors que tout sujet controversé livré au débat public devra intégrer la dimension polémique : comment souhaitez-vous poursuivre ou non l’échange ? Quelle durée de publication et quels modes de diffusion sont alors privilégiés ?
« Je stream, tu streams, nous streamons... »
La technologie du direct -le stream- permet d’interagir en temps réel avec une audience. Mais la diffusion vidéo implique d’avoir un débit de bonne qualité, pour une diffusion en HD, de préférence via la fibre. Le matériel requis peut être très simple (un smartphone ou votre webcam d’ordinateur de bureau) ou utiliser du matériel type studio (caméra HD et boitier de streaming pour diffuser un flux). Ces aspects techniques doivent rester au service de votre animation, de l’offre d’échange que vous proposez. Parcourez la toile pour visionner diverses présentations et faites-vous votre idée des propositions en streaming avant d’investir dans du matériel car c’est surtout ce que vous en ferez qui compte !
Remarque : pour connaître votre débit réel, il existe des applications ou des tests en ligne qui vous indiquerons le flux que vous recevez et surtout celui maximum que vous envoyez : le débit remontant. C’est celui-ci qui compte pour émettre en streaming. Parmi les offres nombreuses, vous pouvez tester Speedtest by Ookla
« On peut une fois utiliser 1 Mbts, mais pas mille fois 1 Gbts, non 1Mbts... euh non c’est pas ça » -
Extrait d’une libre adaptation de la cité de la peur en streaming
Modalités d’enregistrement/de captation
Même si les vidéos en ligne ont démocratisé le style caméra du téléphone en mode selfie, où tout tremblote et semble improvisé, pensez à votre environnement de prise de vue : en face de votre webcam, assis à votre bureau ? C’est statique mais envisageable pour une courte intervention. Par exemple avec un invité à distance, on en a pris l’habitude avec les visio... Ou sinon, dans votre joli intérieur, entre canapé et plantes vertes ? mais cela reste un décor à préparer ! Côté coulisse, il faut prévoir un support pour une caméra fixe, un pied sous le smartphone, la bonne inclinaison de l’écran intégrant la webcam... en format d’enregistrement paysage si vous êtes seul, plus rarement en vertical quand on a plusieurs fenêtres vidéo en ligne. La lumière doit être suffisante (mais pensez à la planète avant de recycler votre vieille applique halogène en spot !) ; et surtout l’environnement sonore doit être calme : au bureau, avertissez vos collègues avec une affichette « On line » sur la porte et passez le mot au reste de l’équipe pour ne pas risquer de perturbations lors de la diffusion.
Enfin, soyez-vous, détendu, quittes à vous imaginer que vous appelez mamie à l’EPADH sur Whatapp... c’est un moment partagé, pas la peine de vous soucier de revoir vos petites imperfections sur la vidéo disponible en ligne, pour l’essentiel elles seront rapidement oubliées (quoique !)
La qualité de votre vidéo dépend de la technique, mais surtout de l’animation !
Donc, envisagez-là comme un moment animé, voire scénarisé : il est parfois plus dynamique d’être à deux, pour se partager les interventions et réagir en direct aux questions. À plusieurs, partagez-vous alors les rôles d’animation et de régie technique. Seul, pensez à simplifier les interactions sur votre écran. Sinon, on vous verra vous approcher de l’écran de votre smartphone qui vous filme pour lire sur le tchat les questions des auditeurs en direct... en fronçant les sourcils car c’est écrit tout petit ! C’est un classique mais amusant mais à éviter. Selon le contenu, vous pouvez intervenir de façon didactique -comme en amphi- mais l’attention du public est difficile à capter et doit être maintenu. Pour susciter la curiosité, invitez à faire : par exemple avec une expérience à reproduire chez soi, ou une illustration facile à comprendre pour garder l’attention de votre auditoire. Il est parfois plus facile de lancer un petit film préparé d’avance pour une expérience, surtout si elle prend du temps, qu’elle est délicate, ou que vous avez la réputation de toujours les rater... N’hésitez surtout pas à suggérer l’interactivité en préparant des questions pour l’auditoire, ou en organisant un quizz ; il y a des ressources sur le net pour faciliter cela. Laissez alors le temps de répondre en tenant compte du délai lié à la diffusion (autour de 30 secondes en général).
Et vous, vous êtes plutôt Al Pacino, Sofia Coppola ou Agnès Varda ?
Le direct, c’est doit rester spontané ? Bonne question, car pour accrocher l’attention de votre auditoire, il faudra le tenter, le surprendre, le séduire, le rendre curieux et même peut-être lui donner envie de partager à d’autres. L’important c’est que vous soyez en confiance, et si pour cela il vous faut répéter, tout prévoir, tout noter... c’est vous qui avez la plume ! Comme un travail de journaliste, un minimum de préparation et de concertation s’impose : pensez votre scénario à l’avance, discutez-en et petit à petit laissez le réalisateur-trice qui sommeille en vous s’exprimer !
"On parle toujours de Méliès comme premier réalisateur, mais non. Le premier était une femme, c'était Alice Guy" - Pionnière du cinéma (1873-1968)
Pour une diffusion à plusieurs voix, prenez le temps au préalable de bien définir qui intervient, quand et pour combien de temps. Imaginez un rendez-vous régulier pour vos auditeurs : sous la forme d’interview avec un invité à distance, ou une co-animation d’un atelier... Mais les différents rôles doivent être connus de chacun : il y aura celui qui pose les questions, reprenant les interventions écrites dans le chat pour les soumettre à l’expert en direct, celui qui lance à temps la diapositive à l’écran pour expliquer un détail visuel, celui -ou celle- qui explique en un temps court un concept scientifique pour répondre à une question ou préciser un point... en fait, cela ne peut être la même personne qu’à condition de jouer ces différents rôles et parfois d’être un peu schizophrène !
Pour les présentations invitant à refaire soi-même une expérience, prenez le temps de présenter tout le matériel nécessaire. La vidéo disponible après sa diffusion sera visionnée pour l’activité, imaginez là comme une recette de cuisine, avec possibilité d’une fiche technique, ou d’une diapo récapitulative lors du direct. Là aussi, la situation classique de l’expérience en direct qui rate est drôle mais stressante pour le présentateur, donc n’hésitez pas à répéter, ou même à préparer à l’avance la phase « après cuisson » qui nécessite du temps. La diffusion en direct peut s’enrichir d’une vidéo préenregistrée, une réaction chimique peut être filmé d’avance et accéléré pour montrer un phénomène ! Et gardez aussi de la spontanéité qui fera votre charme.
Seul en ligne ?
Même si on est très narcissique, on ne fait pas tout ça pour se mirer dans son écran... donc parlons un peu de l’audience. Un des challenges d’un rendez-vous en ligne c’est certainement que l’on ne trouvera pas le même auditoire que lors d’une conférence classique. Et encore... on peut parfois soupçonner quelques youtubeurs de sciences d’avoir largement exploité leur liste d’amis et de collègues de fac pour diffuser le rendez-vous, mais il n’y a rien de nouveau à cela, quand on observe qui vient écouter un conférencier en présentiel ! Si on est très optimiste, c’est sans doute l’occasion de toucher un public que l’on ne croiserait pas autrement : en investissant des plateformes de contenus vidéos d’usages plutôt fréquentées par des gamers ou fans de mondes virtuels, ou en se saisissant d’un thème d’actualité un peu brûlant sur des réseaux sociaux largement ouverts à un public non-expert... L’important est surtout de savoir pourquoi vous partagez. Ainsi ne soyez pas frustré de n’avoir que 30 personnes connectés à votre direct, si elles participent et que cela provoque le débat : l’essentiel c’est de participer, ou plutôt d’interagir.
Mais il faut prendre attentivement en compte cette question du public quand on vulgarise en ligne. Car parmi les nombreuses motivations, il peut y avoir le souhait de démocratiser le débat sur les enjeux scientifiques, de permettre à un public trop éloigné des lieux de culture scientifique d’en bénéficier, de distiller une culture du doute et de la démarche d’investigation auprès des plus jeunes... et donc au final, on attend de pouvoir se dire qu’on a répondu à ses aspirations, outre le plaisir partagé d’un moment convivial en ligne. Pour valoriser vos initiatives, sachez mesurer outre l’audience, la richesse et la diversité des questions, les retrouvailles avec des auditeurs-trices récurrent-es, comme une dynamique collaborative nouvelle qui entourait votre projet.
« Il faut toujours pouvoir compter sur ses amis » - citation attribuée historiquement à un ours souvent pris la main dans le pot de miel avec ses meilleurs amis l’âne et Porcinet
Pour ne pas finir sans rappeler les bases, il faut prévoir d’annoncer un événement en direct par un maximum de fuseaux sociaux, partagés avec votre public et de mobiliser les réseaux -Facebook, Instagram, Twitter, par exemple- pour toucher de nombreux contacts, à défaut d’être nouveaux. Même si certaines plateformes ne vous autorisent à émettre en streaming depuis votre smartphone qu’à la condition d’avoir au moins un millier d’amis -cf. YouTube et la nécessité d’avoir plus de 1000 abonnés pour émettre- toute cette énergie aura d’autant plus de chance de trouver son audience si elle est développée dans le cadre d’une initiative partagée avec d’autres acteurs de la culture scientifique.
C’est dans ce contexte que Centre•Sciences s’est investi sur ces nouvelles modalités en région Centre-Val de Loire. Citons dans l’actualité du confinement, l’initiative collective sciencesenlive.org avec des acteurs aussi divers que le cercle FSER, Café des sciences, les Savanturiers, le collectif Conscience, Animaths, des bloggeurs de sciences comme Robin Isnard et des centres de cultures scientifiques.