APR ECAD « Eco-Citoyens Acteurs de Demain » : Dossiers de labellisation E3D

Publié par Evelyne Bois, le 12 juillet 2022   1.2k

Dans le cadre du projet ECAD porté par le laboratoire ERCAE, nous nous sommes intéressés à la labellisation E3D (Etablissement en Démarche de Développement Durable) des établissements scolaires, comme reflet de la démarche d’Education au Développement Durable au sein des collèges en Région Centre-Val de Loire.

Depuis 2007, les rectorats distinguent les établissements scolaires, écoles primaires et établissements d’enseignements secondaires, par un label E3D. Il s’agit d’une part de mettre en valeur les projets EDD déjà existants en les renforçant par une vraie politique d’établissement et d’autre part de développer les partenariats, notamment avec les acteurs territoriaux. Dans l’académie d’Orléans-Tours, les critères retenus s’appuient sur i) la prise en compte des piliers du développement durable, ii) les actions proposées dans une démarche transversale, iii) l’ouverture aux partenaires, iiii) les spécificités de l’établissement. Ces critères permettent de définir 4 niveaux de labellisation avec comme mentions : sensibilisation (propre à l’académie d’Orléans-Tours), engagement, approfondissement et ambassadeur. Les établissements souhaitant obtenir cette labellisation doivent compléter un dossier en indiquant les actions menées pour chacun des 17 Objectifs de Développement Durable (ODD). Adoptés par l’Organisation des nations unies en septembre 2015, ces ODD constituent une feuille de route et visent à accélérer à l’horizon 2030 la transition vers un développement durable (économique, social et environnemental) dans tous les pays.

Figure 1 : nombre de dossiers labellisés niveau collège dans lesquels les ODD (déclinés du numéro 1 au numéro 17) ont été cités en face d’actions mises en oeuvre (46 dossiers au total). ODD 1 : pas de pauvreté, ODD 2 : Zéro « faim », ODD 3 : Bonne santé et bien-être, ODD 4 : Éducation de qualité, ODD 5 : Égalité entre les sexes, ODD 6 : Eau potable et assainissement, ODD 7 : Énergie propre et d’un coût abordable, ODD 8 : Travail décent et croissance économique, ODD 9 : Industrie, innovation et infrastructure, ODD 10 : Inégalités réduites, ODD 11 : Villes et communautés durables, ODD 12 : Consommation et production responsable, ODD 13 : Mesures relatives à la lutte contre les changements climatiques, ODD 14 : Vie aquatique, ODD 15 : Vie terrestre, ODD 16 : Paix, justice et institutions efficaces, ODD 17 : Partenariats pour la réalisation des objectifs.

L’analyse des 46 dossiers de collèges ayant été labellisés en 2020 montre que certains ODD sont moins investis que d’autres ; ainsi les ODD 3 (santé et bien-être), 12 (consommation et production responsables) et 15 (vie terrestre) sont les plus associés aux actions proposées (figure 1). La sur-représentation de l’ODD 15 est conforme à la place historiquement prépondérante du pilier environnemental. En effet, l’EDD a souvent pris la suite de l’éducation à l’environnement avec davantage de problématiques liées à l’environnement qu’à l’ouverture aux thématiques sociales et économiques. Le pilier social du Développement Durable est également fortement représenté dans les dossiers de labellisation à travers les ODD 3 (santé et bien-être) et 12 (consommation et production responsables). En revanche, des actions en lien avec les ODD 8 et 9 (Travail décent et croissance économique ; Industrie, innovation et infrastructure), qui s’inscrivent dans le volet économique du développement durable, ne sont citées que dans un tiers des dossiers. La place importante accordée aux partenaires, qui correspond à l’ODD 17 (partenariats pour la réalisation des objectifs) traduit la volonté des enseignants et des établissements de s’associer avec des intervenants extérieurs à l’Éducation nationale.

Au-delà des ODD mobilisés dans les dossiers de labellisation, nous avons cherché les quatre caractéristiques des « Educations à » au sein de ces dossiers (thématiques et non disciplinaires ; en lien avec les Questions Socialement Vives ; place importante accordée aux valeurs ; objectif explicite de faire évoluer les comportements).

Le caractère thématique et non disciplinaire est présent dans les dossiers de labellisation. Ainsi, les termes « projet » et « EPI » (Enseignement Pratiques Interdisciplinaires) apparaissent respectivement à 129 et 32 reprises. Si les projets concernent différentes thématiques, on peut observer qu’un nombre important d’entre eux sont en lien avec la biodiversité (ruche pédagogique, jardin, etc.), l’égalité fille-garçon, ou encore le climat scolaire. L’interdisciplinarité et la pédagogie de projet sont donc largement associées à l’EDD. Le caractère transversal de l’EDD s’observe également par la présence de nombreux clubs (37 occurrences) et ateliers (66 occurrences) dans les dossiers de labellisation.

Si le DD constitue une question socialement vive, l’analyse des dossiers de labellisation montre que cette dimension est relativement peu investie, voire refroidie, tant dans les notions abordées que dans les démarches pédagogiques mises en œuvre. La préservation de la biodiversité (13 occurrences), l’égalité entre les sexes (27 occurrences) sont néanmoins présents dans les dossiers de labellisation, mais d’autres notions plus controversées comme la place du nucléaire dans le mix énergétique, ou encore la question de la croissance économique (vs décroissance) n’apparaissent pas explicitement. En ce qui concerne les modalités pédagogiques mises en œuvre, le débat n’est cité que 11 fois. Quant à l’esprit critique, compétence souvent visée dans le cadre d’une éducation à la citoyenneté, il n’apparait qu’à 3 reprises.

La dimension morale par la place accordée aux valeurs des « éducations à » est très présente dans les dossiers de labellisation étudiés. La solidarité est très souvent citée (26 occurrences de l’adjectif solidaire et 7 du mot solidarité). Cela se manifeste généralement par des actions concrètes à mener en lien avec des associations comme une collecte de nourriture pour l’association « Pain contre la faim », des courses pour des causes extrêmement diverses (l’accès de tous à une alimentation, le Burkina Faso, l’AFM-Téléthon, etc). La nécessité de se respecter les uns les autres, à travers principalement la lutte contre le harcèlement (26 occurrences), occupe également une place importante.

Enfin, les « éducations à » préparent à l’action dans le but de faire évoluer les comportements. De nombreuses actions présentées dans les dossiers de labellisation abordent la question des déchets (55 occurrences), le tri (44 occurrences), le recyclage (49 occurrences), les collectes (67 occurrences), la réduction, limitation (des déchets, du plastique) et la lutte contre le gaspillage (44 occurrences). Les établissements et les enseignants envisagent donc une pédagogie de l’action en engageant les élèves dans des actions concrètes de type éco-gestes.

Les caractéristiques des « éducations à » sont donc partiellement appréhendées dans les dossiers de labellisation et l’EDD, telle qu’elle est décrite dans ces dossiers, semble se réduire à une éducation comportementaliste qui n’interroge pas le sens accordé aux actions avec une approche limitée de l’écocitoyenneté, qui n’inclut pas l’éducation à l’esprit critique, au doute, à la complexité, au choix, comme le recommandent de nombreux chercheurs.

Suite à notre étude sur la labellisation E3D des établissements scolaires, de nombreuses questions restent encore en suspens : la labellisation E3D des établissements scolaires n’est-elle qu’un élément de communication vis-à-vis des parents, des communes, des institutions scolaires, du ministère ? ou est-elle le reflet exact de l’engagement de la communauté éducative et de la richesse des activités pédagogiques mises en œuvre dans les établissements scolaires pour le développement de l’éco-citoyenneté des élèves ?

Remerciements :

Nous remercions la Région Centre-Val de Loire qui a financé le projet APR ECAD, le laboratoire CEDETE et l’ADEME pour leur soutien et le Pôle de compétitivité S2E2 qui a labellisé le projet ECAD. Nous tenons également à remercier tous les partenaires du projet ECAD : le Rectorat Orléans-Tours, les directions Éducation Jeunesse et Environnement et transition énergétique du Conseil Régional, Centre•Sciences et Graine Centre.