Votre cerveau est-il grignoté par les neuromythes ?
Publié par Céline Dubourg, le 16 novembre 2018 1.7k
>> Image de Une : Le Professeur Ciboulot vous invite à participer à un neurogame pour découvrir des neuromythes. S. Mortaud, C.Dubourg, MY Ardourel, CNRS Orleans
Céline Dubourg, Université d’Orléans; Flora Reverchon-Assadi, Université d’Orléans; Maryvonne Ardourel, Université d’Orléans; Olivier Richard, Centre national de la recherche scientifique (CNRS); Severine Morisset Lopez, Université d’Orléans; Stéphane Mortaud, Université d’Orléans et Vanessa Larrigaldie, Université d’Orléans
Cet article est publié dans le cadre de la Fête de la Science 2018 dont The Conversation France est partenaire. Retrouvez tous les débats et les événements de votre région sur le site Fetedelascience.fr.
C’est quoi un neuromythe ? C’est une fausse croyance concernant les capacités de notre cerveau. Le neuromythe est souvent basé sur des résultats scientifiques mal interprétés ou trop vieux.
À l’occasion de la fête de la science, une équipe de chercheurs en Neurosciences du CNRS et de l’Université d’Orléans, propose d’invalider quelques neuromythes. Dans cette optique, nous avons organisé une animation sous forme d’un « escape game », concept de jeu très à la mode.
Synopsis du jeu : panique au laboratoire de Neurosciences ! Le professeur Ciboulot a découvert que les neuromythes se répandent très rapidement dans la population et provoquent un dysfonctionnement du cerveau de toutes les personnes atteintes. Il faut agir vite avant que les neuromythes ne se propagent et que les dégâts soient irréversibles.
Le professeur Ciboulot a besoin de vous. Vous incarnerez un chercheur en Neurosciences et votre mission, si vous l’acceptez, sera d’aider le professeur à découvrir différents neuromythes et de les exterminer.
Vous devrez faire preuve de logique, d’observation et d’esprit critique pour découvrir la vérité sur les neuromythes.
Mythe n°1 : le volume du cerveau influence-t-il l’intelligence ?
« Tu as un petit pois dans la tête ! Tu as une cervelle de moineau ! »
Voilà des expressions que nous utilisons pour exprimer à une personne son étourderie, sa stupidité. L’origine de ces expressions remonte à une croyance ancestrale selon laquelle il existe une relation entre le volume du cerveau et l’intelligence.
Le cerveau des éléphants pèse 5 kilos et celui des cachalots 7 kilos, soit près de 5 fois plus que le poids de notre cerveau qui pèse en moyenne 1,3 kilos.
Et si nous reportions le poids du cerveau par rapport au poids du corps, nous sommes encore battus ! Cette fois-ci par les moineaux dont le cerveau représente 7 % du poids du corps alors que pour l’homme, le cerveau ne représente que de 2,5 % du poids total.
Maintenant, comparons le poids du cerveau de l’homme moderne par rapport à ses ancêtres. En 7,5 millions d’années, la taille du cerveau a été multipliée par trois. Mais chez notre espèce Homo sapiens son volume est en constante diminution. En effet, le cerveau de l’homme moderne est de 15 à 20 % plus petit que celui de Cro-Magnon.
Y’aurait-il des différences entre les hommes et les femmes ? Concernant la taille du cerveau, plusieurs études montrent que le cerveau des hommes est, en moyenne, 13 % plus gros que celui des femmes.
Oui, mais il faut aussi savoir que le poids du cerveau du célèbre physicien Albert Einstein était 10 % inférieur à la moyenne.
Alors d’après vous, votre intelligence dépend-elle de la taille de votre cerveau ?
Mythe n°2 : Après 20 ans, c’est le déclin !
Selon un dogme « 20 ans est l’âge qui correspond au début de la perte de neurones et par conséquent, le début du déclin de nos capacités intellectuelles. »
Penser cela, c’est oublier que nous avons déjà perdu une grande quantité de neurones bien avant, dès notre naissance. Comment cela se passe-t-il ? Au cours du développement embryonnaire, les neurones sont produits en surnombre. Ensuite une mort naturelle se produit conduisant à l’élimination de plus de 50 % de neurones. L’élimination des neurones surnuméraires est en grande partie terminée à la naissance. Cette perte de neurones pendant le développement est une étape essentielle à la maturation du cerveau.
Des nouveaux neurones dans le cerveau adulte, est-ce possible ? Pendant des décennies, les neurobiologistes étaient persuadés que nous naissions avec un stock définitif de neurones et que toute perte était irrémédiable. En 1998, une découverte a révolutionné les neurosciences : Le cerveau humain produit des neurones.
De nombreuses études ont montré que la production de neurones dans une région particulière de notre cerveau ne s’arrête jamais. Cette région, l’hippocampe, appelée ainsi pour sa ressemblance de forme avec l’animal marin, produirait environ 700 nouveaux neurones par jour chez l’adulte.
Neurones sensibles à l’environnement
La production de nouveaux neurones à partir de cellules souches, est appelée neurogenèse. Cette neurogenèse aux stades embryonnaire et adulte est très sensible à l’environnement notamment à l’exposition aux pesticides. L’équipe de « Neurotoxicité et développement »“ du laboratoire INEM étudie les effets d’une exposition à un pesticide sur le développement du cerveau et notamment sur la neurogenèse.
Elle a récemment montré qu’une exposition chronique à faible dose induisait des perturbations au niveau des régions cérébrales qui produisent de nouveaux neurones.
L’environnement peut aussi avoir des effets positifs sur la neurogenèse. L’activité intellectuelle et physique, ainsi que les relations sociales la favoriseraient. Apportons tout de même un petit bémol, le pouvoir de notre cerveau de créer de nouveaux neurones diminue vraisemblablement avec l’âge.
Cependant, l’important pour le cerveau, ce n’est pas le nombre de neurones mais le fait qu’ils soient bien connectés. La perte de neurones n’est pas si dramatique si les connexions entre les neurones « restants » demeurent efficaces.
Apprendre, c’est créer des connexions plus rapides
Mais de quoi dépend l’efficacité des connexions neuronales ? Les neurones sont connectés entre eux au niveau de synapse. Plus les messages passent souvent entre deux neurones, plus les synapses entre eux se renforcent. Apprendre, c’est créer des connexions plus rapides entre ces neurones. Les chemins « nerveux » fréquemment empruntés deviennent alors des voies rapides et ainsi facilitent la résolution de problèmes, l’exécution de mouvements et sont alors à l’origine de l’apprentissage et de la formation de nouveaux souvenirs. Ce processus correspond à la plasticité cérébrale. Il est clairement établi que cette plasticité cérébrale a lieu tout au long de notre vie.
Quels sont les mécanismes qui régulent cette plasticité cérébrale ? Parmi les nombreux mécanismes, les neurotransmetteurs, petites molécules chimiques présentes dans le cerveau, jouent un rôle important. Ces neurotransmetteurs sont libérés au niveau de la synapse et permettent la communication entre deux neurones. Il existe de nombreux neurotransmetteurs comme le glutamate, la dopamine, l’acétylcholine et la sérotonine…
Il faut savoir que la sérotonine bien connue pour contrôler l’équilibre psycho-affectif est impliquée dans la régulation de l’humeur des personnes. D’ailleurs, certains antidépresseurs régulent la quantité de sérotonine dans le cerveau. La sérotonine intervient également dans les processus de mémorisation. En effet, la sérotonine agit sur des récepteurs présents à la surface des neurones pour contrôler leur forme, le nombre des synapses et par de là, la plasticité synaptique. Ainsi, les chercheurs du groupe « Cibles pharmacologiques et biomarqueurs » du CBM à Orléans s’intéressent plus particulièrement à ce neurotransmetteur et son action sur ses récepteurs. Ils ont en particulier montré qu’un défaut au niveau de l’activité d’un de ces récepteurs pourrait être impliqué dans l’apparition de troubles d’apprentissage dans une maladie génétique humaine.
Comme nous venons de le voir, la plasticité neuronale et la neurogenèse sont des mécanismes complexes. Ceux-ci perdurent tout au long de notre vie et sont à l’origine de notre adaptation et de notre apprentissage à chaque nouvelle situation de la vie quotidienne.
Le mythe selon lequel le cerveau commence son déclin à l’âge de 20 ans, vous y croyez encore ?
L’escape-game « neuromythes » aura lieu le 13 et 14 octobre à l’Université d’Orléans, événement ouvert à tous
Céline Dubourg, enseignant chercheur en neurosciences, Université d’Orléans; Flora Reverchon-Assadi, Neurobiologiste, CNRS, Université d’Orléans; Maryvonne Ardourel, Enseignant-chercheur en biochimie-biologie moléculaire, Université d’Orléans; Olivier Richard, Maître de conférences en physiologie animale et neurophysiologie, Centre national de la recherche scientifique (CNRS); Severine Morisset Lopez, Neurobiologiste, CNRS, Université d’Orléans; Stéphane Mortaud, Professeur neurosciences, CNRS, Université d’Orléans et Vanessa Larrigaldie, Neuroscientifique, CNRS, Université d’Orléans
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.