Entretien avec Anaëlle Simonneau, ambassadrice de la Fête de la Science 2019 en région Centre-Val de Loire
Publié par Centre•Sciences, le 3 juin 2019 4.8k
Découvrez le parcours et l'engagement de l'ambassadrice 2019 de la Fête de la Science en région Centre-Val de Loire.
Entretien avec Anaëlle Simonneau, maître de conférences à l'université d'Orléans
Anaëlle, quel est votre parcours de formation ?
J’ai suivi un parcours assez classique : LMD (Licence-Master-Doctorat) ! Quoiqu’après mon BAC S option SVT obtenu au Lycée Edouard Vaillant de Vierzon, j’ai démarré mon entrée dans l’enseignement supérieur par une année de médecine à l’université François Rabelais de Tours pour être kiné ou médecin légiste ☺ Le fonctionnement par concours ne me convenait absolument pas ! je n’ai jamais regretté cette année de médecine qui m’aura démontrée de belles capacités de travail mais j’en suis sortie consciente que j’avais besoin de trouver une voie avec une approche de la science beaucoup plus concrète ! Dès 2004 je me suis donc inscrite en licence de biologie/sciences de la terre (toujours à l’université François Rabelais de Tours). Des discussions bonus avec les doctorants qui nous faisaient les travaux dirigés de sciences de la terre m’auront très vite convaincue de poursuivre en géologie, suivant les pas de ma marraine et de son époux, amoureux de fossiles !
Très tôt, et surtout grâce à des enseignants passionnés (qui sont aujourd’hui mes collègues !! ☺), j’ai souhaité découvrir le monde de la recherche. L’idée de se poser ses propres questions scientifiques en lien avec les enjeux actuels (climatiques et anthropiques pour mon cas), d’échanger et co-construire au sein d’une équipe et d’imaginer pouvoir développer des outils et des approches : quoi de plus séduisant ? En 2007, je suis donc partie quasi 3 mois à l’université de Sydney, en Australie, réaliser mon stage de fin de Licence sur l’érosion par le vent de lacs asséchés et la formation associée de dunes, appelées "lunettes", valorisées comme terres de pâture et de culture. Une expérience en tous points enrichissante qui m’a définitivement décidée à continuer en recherche une fois la Licence en poche. J’ai donc naturellement poursuivi en Master recherche "Flux sédimentaires dans les environnements actuels et passés" réalisé entre les universités de Tours et d’Orléans.
Après 3 ans d’une thèse financée par la région Centre Val de Loire, réalisée au sein de l’Institut des Sciences de la Terre d’Orléans (ISTO) et soutenue le 12/12/12 (c’est suffisamment drôle pour le souligner), j’ai migré sur Toulouse pour 18 mois afin de réaliser 2 contrats post-doctoraux au sein du laboratoire de géographie physique GEODE. Ces 5 années de recherche ont été très riches car notamment réalisées dans le cadre de l’Observatoire Hommes-Milieu Haut Vicdessos où l’interdisciplinarité et la pluralité des approches sont maîtres. Seul bémol pour moi, trop peu d’enseignements dans le cadre des post-docs… Or enseigner et échanger avec les étudiants a toujours fait partie d’un équilibre acquis et apprécié pendant la thèse. En octobre 2014, suite à un recrutement sur dossier, j’ai donc fait mon come-back sur Orléans, à l’Observatoire des Sciences de l’Univers en région Centre Val de Loire (OSUC), pour exercer une fonction d’Attachée Temporaire d’Enseignement et de Recherche. "Intermittente du spectacle" des maîtres de conférences pendant 2 ans, j’ai (enfin) pu partager mon temps à 50/50 entre l’enseignement et la recherche. L’ouverture d’un poste de Maître de Conférences à l’OSUC en 2016, puis ma titularisation septembre 2017, m’ont finalement permis de cristalliser cette situation professionnelle idéale, soit il y a à peine 3 ans !
Vidéo YouTube : série "QUI CHERCHE... CHERCHE", saison 3, épisode 2 "Sédimentologie"
Vous êtes maître de conférences, pouvez-vous nous expliquer sur quoi vous travaillez au sein de votre laboratoire de recherche ?
Si on veut être complet, je suis enseignante chercheure en sédimentologie lacustre et transfert sédimentaire, exerçant mes activités d'enseignements à l'Observatoire des Sciences de l'Univers en région Centre-Val de Loire (OSUC) et mes activités de recherche à l'Institut des Sciences de la Terre d'Orléans (ISTO), laboratoire de géosciences sous la co-tutelle du CNRS, de l'université d'Orléans et du BRGM.
Une réponse plus vulgarisée consiste à dire que j’étudie la boue qui s’accumule au fond des lacs et plus particulièrement les composants organiques et minéraux qui constituent cette boue, afin de comprendre les voies et les modes de transfert de matière qui opèrent sur les versants à des échelles de temps plus ou moins longues (de 10000 ans environ à l’actuel).
Ma thèse portait sur des systèmes alpins et pyrénéens, français et italiens, avec pour objectifs de comprendre les interactions et les conséquences qu’ont pu avoir les variations climatiques et les activités humaines anciennes sur l’érosion des sols. Aujourd’hui, je cultive toujours ces thèmes de recherche en m’ouvrant davantage à l’étude de systèmes localisés en milieux anthropisés. Je pilote actuellement 2 projets de recherche.
Le premier s’appelle MOSAIC et a pour objectifs la "Quantification et la MOdéliSation des flux sédimentAIres aCtuels et passés à l’échelle de petits bassins versants". Il est financé par la région Centre Val de Loire. Avec l’équipe impliquée dans le projet et le soutien de la mairie et des infrastructures locales telles que l’hôpital G. Daumézon, nous avons instrumenté et caractérisons les flux de matière et d’eau en transit dans l’Égoutier, petit cours d’eau s’écoulant à Semoy (Nord-Est d’Orléans). Nous complétons et comparons ce suivi sur le temps court avec une démarche de rétro-observation via l’analyse des sédiments accumulés dans l’étang de la Beulie (sur le linéaire du cours d’eau) datant des années 1750. Le second projet, lui financé par l’Agence de l’Eau Loire Bretagne, s’appelle START. Il a pour objectifs de comprendre les dynamiques à l’origine du "Transfert des contaminants métalliques et métalloïdes dans les compartiments sol, sédiments et eaux de surface" au sein de sites post-miniers. Nous cherchons ici à comprendre les conséquences sur l’environnement que peut avoir l’érosion des sites post-miniers et à quantifier/qualifier les matières solides et dissoutes qui sont en transit à l’aval de ces systèmes autrefois exploités.
Enfin, et en lien avec ces deux projets, je développe également des pièges qui ont vocation à capter les matières en transit dans les cours d’eau : basique mais pas si simple ☺. Initialement fabriqués "maison", ces GEACOS (pour "GranulomEtric pAssive Capture of dissOlved matter & Sediment" et prononcé Jaco) sont maintenant installés dans chacun de nos sites.
Vous êtes Ambassadrice de la Fête de la Science 2019 en région Centre-Val de Loire, que représente la Fête de la Science pour vous ?
Je participe de façon active (montage de stand et animation) à la Fête de la science depuis 2013 : d’abord à Toulouse (à Foix cette année-là), puis sur Orléans ces dernières années. Pour moi, la Fête de la Science est un moment d’échanges et de partages.
Sans vouloir tomber dans un bla-bla trop classique, je pense sincèrement que la Fête de la Science est un moment privilégié pour faire passer des messages et en particulier montrer aux gens que la science, quelle qu’elle soit, peut-être régit par des équations mathématiques et de la physique (pour mon domaine en tous cas), mais qu’évidemment tout ceci peut être rendu accessible et compréhensible. La Fête de la Science : c’est éveiller la curiosité de chacun, enfants et adultes, et montrer que la science est un vaste spectre dans lequel tout le monde peut trouver son intérêt.
Un autre point, directement lié à mon métier, est que la Fête de la Science soit également une occasion rêvée pour moi de mettre en valeur mes étudiant(e)s. Chaque année j’ai la chance d’en avoir quelques-uns qui acceptent de s’impliquer en venant passer 1h, 2h, la journée à animer le stand. Pour moi c’est le moment de souffler un peu ☺, mais c’est surtout l’occasion de les voir s’éclater à présenter ce qu’ils apprennent pendant leur formation, à poser leurs mots sur ce que je leur enseigne et à constater qu’il n’y a aucun super pouvoir dernière tout ça, juste du plaisir à transmettre ce qui nous passionne.
Fête de la Science 2013 - Village des sciences de Foix. Photo : David Fantin.
La culture scientifique constitue un engagement incontournable pour vous ? Comment l’expliquez-vous ? Qu’est-ce qui vous motive ?
Ma réponse est dans la lignée de ma définition de ce qu’est la Fête de la science pour moi.
Chaque année, je reste surprise et émerveillée de voir à quel point on peut voir briller les yeux des gens devant les expériences qui sont présentées et les explications qui sont données. Les notions de partage et d’échanges sont réellement au cœur de la manifestation car croyez-moi, si les personnels qui animent les stands délivrent énormément d’informations, les personnes qui viennent à la Fête de la Science sont tout aussi riches de leurs propres vécus. Quand le public fait virtuellement pleuvoir sur le bac à sable à réalité augmentée, que je fais couler de l’eau sur la maquette de versant, que mon carottier est une seringue en plastique et que les enfants chronomètrent la chute d’un sable dans mon éprouvette, ce n’est pas que mon discours qui anime le moment, c’est aussi le ressenti des personnes qui sont là, les "ah mais ça me fait penser à… " ; les "l’autre fois à la télé/radio j’ai vu/entendu que… " ; les "mais madame c’est pareil à la mer ?".
Mon défi chaque année : retrouver ces yeux qui brillent et en faire briller de nouveaux. On a des personnes qui viennent tous les ans, parfois je suis embêtée car le stand est sensiblement identique que l’an passé… et pourtant elles reviennent, discutent, posent des questions, s’intéressent, ont parfois une nouvelle anecdote… Vous connaissez plus motivant ?
Une petite anecdote sur une action de culture scientifique ? Sur votre recherche ? Racontez-nous…
Pas beaucoup d’anecdotes sur mes actions de culture scientifique… Je me souviens d’une question assez ambiguë lors de la présentation dans le Ciné mobile du film de Luc Jacquet consacré à Claude Lorius "La Glace et le Ciel". À la fin de la projection, j’animais un débat chercheur/spectateurs et un monsieur m’avait interpelé sur le fait que pour lui, limiter l’impact anthropique à l’échelle du globe ça signifiait réduire drastiquement la quantité d’humains sur le globe… Après réflexion, je ne préfère toujours pas répondre à sa sollicitation !
La recherche est, elle, pleines d’anecdotes ! Sans aucun doute car elles nous font avancer dans nos réflexions, et sans doute aussi car je suis régulièrement en missions sur le terrain, dans un bateau ou en montagne : cocktail idéal des situations périlleuses !
Les plus cuisantes ?
Partir de bon matin sur les étroits chemins de randonnées pyrénéens avec 80 kg de matériel sanglé à dos de mule, prendre une direction, la mule une autre, sentir un mât du bateau passer dans le petit passant de son sac à dos, et se retrouver soudainement attirée vers la mule, raclée contre la roche et suspendue par son sac à dos sous le ventre de ladite mule qui menace alors méchamment de se coucher… oui… ça arrive !
Le prélèvement de sédiment se fait à l’aide d’un carottier d’environ 25 kg, manipulé à partir d’une embarcation, ici de type zodiac. Je me souviens d’une mission où mes 2 collègues m’ont dit toute la matinée qu’ils entendaient un léger "pffff"… Moi, au pilotage moteur, je n’entendais rien bien sûr… Après inspection rapide, nous avons donc continué à naviguer sur le lac, réaliser quelques carottes jusqu’à ce que le vent se lève et que nous allions à proximité de la rive chercher un bloc qui nous servirait d’encre. Le patron du refuge où nous logions était monté avec nous pour voir la manipe et nous attendait sur la rive. Toujours préoccupée, ma collègue lui a dit "Et Dis, t’entendrais pas un "pfff " toi aussi ? " et il lui a répondu "non, mes oreilles ne sont plus au top pour ça… par contre, je vois les bulles !!". Résultat, un sérieux éclat de rire et nous avons fini la mission un doigt dans le trou du bateau pour limiter son dégonflement !
Et il y en a d’autres bien entendu… je ne vous raconte pas celles qui sortent des égouts ☺
Et pour l’édition de la Fête de la Science en 2019, quel est votre projet ?
Mon ambition ? Que l’édition 2019 rayonne tout autant que les éditions précédentes ! Personnellement mon rôle d’ambassadrice est de diffuser au plus grand nombre et le plus largement possible toutes les informations, initiatives, activités, rencontres qui auront lieu dans le cadre de cette semaine de la science, en zones rurales comme au sein des grandes villes, et je compte bien l’honorer !
Fête de la Science 2018 - Village des sciences d'Orléans. Photo : Lydie Le Forestier, ISTO.
Un mot pour conclure ?
Petit ou grand, habitué à la manifestation ou novice, venez nombreux découvrir l’édition 2019 de la Fête de la science !
>> Photo de Une : Cyril Frésillon, photographe à CNRS Images
Entretien réalisé par Béatrice Saulnier, chargée de mission à Centre•Sciences
Save the date : Fête de la Science du 5 au 13 octobre 2019 dans toute la région Centre-Val de Loire
Programme complet bientôt disponible sur www.fetedelascience.fr, et ce après le lancement national de la Fête de la Science au Ministère de l'Enseignement Supérieur de la Recherche et de l'Innovation lors de la conférence de presse nationale du 4 juin 2019.